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LE CHAUFFAGE DES ÉGLISES

  • Photo du rédacteur: orielarchi
    orielarchi
  • 18 juin 2024
  • 10 min de lecture

Dernière mise à jour : 23 sept. 2024



par Louis PRIEUR

janvier 2016



« Le chauffage des églises doit tenir compte des nombreux facteurs incidents qu’il apporte dans l’édifice, indépendamment du confort apporté aux différents usages de l’église. Bien souvent, le mode de chauffage performant pour un critère est désastreux pour d’autres critères. »





Le chauffage des Églises doit tenir compte des nombreux facteurs incidents qu’il apporte dans l’édifice, indépendamment du confort apporté aux différents usages de l’Église.

Bien souvent, le mode de chauffage performant pour un critère est désastreux pour d’autres critères.


Des usages différents d’une Église à l’autre :

* Souvent l’usage est très intermittent (une messe par mois compris les obsèques pour les petites Églises)

* Pour d’autres Églises deux messes par week-end avec éventuellement un office quotidien,

* Parfois l’accueil de concert en demi-saison,

* L’accueil d’exposition d’arts, des permanences d’accueil touristique, parfois un accueil religieux).

Dans une grande majorité des cas, cet usage est de l’ordre de quelques journées en saison d’hiver.


Des caractéristiques de bâtiment hors normes

* Les caractéristiques du bâtiment sont en général d’être de grand volume, non isolé, des grandes surfaces de vitrage, une légère ventilation constante dans le meilleur des cas, parfois des vitraux cassés non remplacés, des sols de terre-plein froids tout au long de l’année.

* Les murs de pierre ont du mal à se réchauffer au printemps.

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* L’usage est différent de celui d’une maison d’habitation, les personnes sont couvertes généralement comme à l’extérieur, la durée d’utilisation est entre une heure et deux heures.

Les personnes sont généralement immobiles.

* Le froid ressenti est d’abord un froid au pied, puis le froid qui vous tombe sur les épaules et la froideur que vous sentez provenir des murs.

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Autres conséquences du chauffage :

Outre la fonction de confort pour les gens, le chauffage a des conséquences sur la climatologie intérieure de l’Église plus ou moins préjudiciable aux œuvres d’art conservées (variation hydrométrique des bois, développant des champignons sur les colles végétales ou animales : tableaux, tapisseries, peinture sur bois…).

La conséquence des condensations sur les vitraux est importante avec des dégradations des vitraux eux-mêmes, des coulures d’eaux de condensats sur le vitrail puis sur les murs.

La condensation des airs ambiants sur les parois de pierre et d’enduit est importante : plus le revêtement est poreux, plus l’air condensant sur les murs fixe la crasse sur les parois (plus un air s’échauffe, plus il est capable de se charger d’humidité) ; quand un air chaud et humide se refroidit notamment au contact des vitraux et des parois, il n’est plus capable de diluer autant de vapeur d’eau ; de ce fait, la vapeur d’eau condense, retourne en eau sur les parois froides en entraînant les poussières en suspension dans l’air.

La respiration humaine est un facteur important de dégagement de vapeur d’eau.

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Type de chauffage :

·Chauffage à air chaud

Choc thermique et variation d'hygrométrie

Le chauffage rapide de l'air et pour le temps court d'un office n'a pas le temps de modifier la chaleur des matériaux ni le degré hygrométrique des boiseries.

Le chauffage en continu par air chaud (avec abaissement de nuit) ne pose pas plus de problèmes que les autres chauffages continus. Ce sont les arrêts, en cas de panne ou autre qui sont préjudiciables pour les mobiliers fragiles (peinture bois, instrument de musique,…)

Il y a là un vrai changement de climatologie intérieur brutal sur une durée relativement longue.

L'encrassement dû au brassage d'air

Les progrès sont énormes. Les vieux chauffages à air chaud alimenté au fuel avaient, faute d'entretien et de dispositif approprié, des passages de gaz brulé dans les circuits d'air pulsé, ce qui était dangereux et qui envoyait des particules salissantes et grasses à l'intérieur de l'édifice.

Aujourd'hui la chambre de combustion est en dépression par rapport au circuit d'air chaud ce qui ne permet plus de passage de gaz brulé dans le circuit d'air chaud. La réglementation des ERP impose une vérification annuelle du bon fonctionnement du chauffage. L'encrassement résiduel provient simplement du brassage d'air transportant des particules de crasse tout aussi préjudiciable que les salissures par chauffage par radiateur ou autres points chauds.


La condensation sur les parois froides

Les phénomènes de condensation les plus importants sont des phénomènes naturels indépendamment de tout chauffage. Au printemps, quand un air extérieur chaud et humide entre à l'intérieur de l'église dans les murs froids, il y a une condensation importante jusqu'à entrainer un ruissèlement sur les murs ou une pénétration dans les supports poreux (enduits de chaux par exemple).

Le chauffage par air chaud ne produit pas de vapeur d'eau dans l'air réchauffé (ce qui est le cas avec les chauffages directs au gaz). L'air chaud se charge d'humidité comme les autres airs ambiants réchauffés par tout autre mode de chauffage.

La condensation sur les parois froides et les vitraux existe donc avec tout type de chauffage. Elle peut être significative lors des grandes assemblées hivernales, mais moins importantes que les phénomènes naturels décrit plus haut. Ce chauffage permet en cas de nécessité de résorber ce phénomène en chauffant après la cérémonie une heure ou deux avec un bon renouvellement d'air, si cela est nécessaire.


La condensation a tendance, quelque soit son origine, à incruster les particules en suspension dans l'air sur les parois où la vapeur d’eau contenue dans l'air a condensé.

Impact archéologique des sols et la stabilité de l'édifice :

Les tranchées pour les gaines de chauffage sont conséquentes. Une attention particulière doit être portée pour éviter, le décompactage sous le niveau des fondations et la prise en compte, des couches archéologiques quand elles existent encore. Cette mise en garde d'ordre générale se discute avec des architectes aguerris, notamment évaluer les impacts ou trouver des alternatives en réutilisant des dispositifs déjà existants par exemple.

• Chauffage par radiateur :

Ce chauffage se trouve parfois dans les Églises notamment dans les Églises de petite communauté religieuse qui se trouvent totalement remplies les jours d’offices dominicaux. Ce mode de chauffage entraîne une convection importante de l’air le long des murs. Ainsi, un taux d’encrassement des peintures au-dessus du radiateur très significatif. Une stratification des couches d’airs chauds s’effectue avec un mauvais chauffage en partie basse et un air chaud important en partie haut. Lorsque l’Église est pleine de monde, l’ambiance devient vite irrespirable par saturation d’humidité dans l’air.

Ce type de chauffage doit s’accompagner d’une ventilation mécanique avec un apport d’air extérieur réchauffé par résistance électrique ou résistance eau chaude dans les cas de petits édifices bas de plafond. Dans les grands édifices, compte tenu de la stratification de l’air, ce mode de chauffage est très peu performant.

Ce mode de chauffage convient pour les petites chapelles “domestiques” de communauté, basse de plafond, avec peu de monde, mais fréquemment utilisées.

• Chauffage par dalle chauffante :

Le principe consiste à passer un serpentin d’eau chaude ou une résistance électrique dans une chape béton revêtue d’un sol de terre cuite ou de pierre mince. Ce chauffage a l’avantage de chauffer le sol, ce qui empêche d’avoir froid aux pieds. Chauffé à basse température, cela évite une stratification de l’air chaud dans les parties supérieures, la chaleur étant franchement ressentie jusqu’à 2 mètres, 2,50 mètres de hauteur.

Il évite la condensation sur le sol et en pied de mur et assainit les faces intérieures des murs extérieurs.

Il est peu coûteux pour entretenir une température d’assainissement de l’édifice sans que cela soit une température de chauffage. Une température au contact du sol, de 16° à 20° (ce n’est pas la température d’ambiance de l’air) est déjà une température de confort pour des personnes correctement vêtues, sans que l’on ait besoin d’atteindre une température d’ambiance de l’édifice constante supérieure (en logement, ce type de chauffage permet des températures de confort inférieures aux températures obtenues par radiateur).

Le plancher chauffant rend totalement invisible le chauffage et permet la meilleure réversibilité des aménagements (modification des dispositions d’assemblées, retournement d’assemblée en cas de concert par exemple).

Ce type de plancher chauffant a néanmoins des inconvénients :

- il nécessite le remplacement du sol ou la repose du sol existant (récupération de tomettes),

- pour conserver le sol au niveau initial, un décaissement d’environ 20cm est nécessaire et doit être fait sous surveillance archéologique, avec des sondages préalables pour éviter de perturber les couches archéologiques significatives. Éventuellement, le sol des Églises peut être remonté sans dommage quand le sol existant n’a pas grand intérêt et quand on ne masque pas les socles de colonne.

- en cas de sol de pierres épaisses, de dalles funéraires nombreuses…, il n’est pas imaginable de remplacer ces sols ni de les reposer. Il est possible de tourner autour de dalles funéraires si elles sont laissées en place.

- ce mode de chauffage a une inertie importante, c’est-à-dire que la température du sol monte de 1° par heure et par cm, c’est-à-dire qu’un sol avec 10cm de charge sur la résille chauffante passera de 5 à 20° en 10 + 15 heures c’est-à-dire 25 heures.

- le coût d’installation est plus cher que les autres modes de chauffage et se justifie essentiellement quand la réfection des sols est indispensable.

- il est possible de pallier l’intermittence du chauffage qui est contradictoire avec l’inertie de ce mode de chauffage par un surdimensionnement de la puissance de chauffe (la faire passer de 100 à 120 ou 150 watts par m², travailler avec des tuyaux de diamètre le plus grand possible, un pas le plus serré possible et des longueurs de tuyaux relativement courtes et toujours égales).

Le dispositif de nourrice de départ des nappes chauffantes doit être équipé de vis de réglage et de contrôle de débitmètre. En cas de mode de chauffage par intermittence, la régulation doit être simplifiée au maximum avec uniquement :

- une sonde intérieure (l’intérieur de l’Église peut être froid, alors qu’à l’extérieur la température peut être suffisamment clémente pour ne pas avoir besoin de chauffage,

- une sonde au sol pour éviter des températures du sol trop élevées.

- Un réglage de température d’eau de départ de la chaudière relativement précis et à température constante.

- Ce mode de chauffage doit pouvoir travailler en pleine puissance sur des phases longues de montée en température des eaux de chauffage.

- C’est le mode de chauffage le moins préjudiciable pour la climatologie intérieure de l’Église.

- Compte tenu du coût d’installation, ce mode de chauffage est justifié dans le cas d’œuvre d’art précieuse conservée dans l’Église, en cas d’utilisation fréquente de l’Église, en cas d’utilisation polyvalente, c’est- à-dire un édifice ouvert à des manifestations culturelles.

- Le coût d’utilisation du chauffage est d’environ 100 watts par m² x 2000 heures de chauffe sur l’année multiplié par la surface de l’Église multiplié par le coût de 5 cts d’€ le kw en chauffage fuel ou gaz.

En cas d’usage intermittent, chaque remise en chauffe coûte environ 25 h x surface x 120 ou 150 watts au m² x 5 cts d€.

Le maintien à 10° du sol tout au long de l’hiver revient environ au ¼ de la consommation annuelle en pleine puissance. Dans ce cas, la meilleure régulation serait un dispositif de sonde au sol.

• Chauffage sous estrade par film électrique :

Ce mode de chauffage consiste à réaliser des estrades où se tient l’assemblée avec :

• une couche de circulation d’air au sol (un delta MS déroulé),o:\001-c-documentation-projet\2016-01-18-note chauffage2.docx

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• une isolation par laine de roche à haute densité posée entre les lambourdes et sur le delta MS de telle manière à ne laisser aucun vide entre le parquet et l’isolation.

• sur les lambourdes et au-dessus de l’isolation, un film chauffant électrique type film rayonnant pour “plafond rayonnant” avec une puissance de chauffe d’environ 120W par m²,

• un parquet (le moins épais possible) sur lambourdes directement en contact avec le film chauffant.

Ce mode chauffage impose la construction ou la reconstruction d’estrade, permet de garder les sols existants en place avec une solution réversible ; il dégourdit l’atmosphère de l’Église et évite de prendre froid par les pieds. Il a une relative faible inertie (3 à 4 heures de chauffe préalables).

Ce mode de chauffage a l’inconvénient de fixer l’assemblée dans une unique disposition. La mise en place est relativement coûteuse (180€ du m²). Ce principe se justifie quand la surface de l’Église est petite et ne dispose pas d’autres sources d’énergie que l’électricité (absence de chaufferie). Le coût d’utilisation est marginal par rapport à l’installation quand les offices et les concerts sont peu fréquents.

• Chauffage sous estrade radiateur eau chaude :

En cas de production d’eau chaude par une chaudière gaz ou fuel, il est possible d’installer sous les estrades des radiateurs plats entre les lambourdes du parquet, voire éventuellement des serpentins PER fixés sur armatures métalliques. Le parquet de l’estrade doit être équipé de quelques grilles de ventilation. Ce chauffage est franchement efficace, sans beaucoup d’inertie (3 ou 4 heures), pour éviter le froid aux pieds. Il a l’inconvénient de rigidifier l’assemblée dans une seule disposition.

Il a une meilleure efficacité que le film chauffant sous estrade.

• Chauffage par lustres rayonnants :

Des propositions de lustres rayonnants par infrarouge sont avancées ; elles peuvent également intégrer l’éclairage et la sonorisation.

En général, ces lustres ne sont pas très élégants ; ce mode de chauffage chauffe avant toutes les personnes justes sous ce lustre, essentiellement la tête et les épaules, ce qui rend ce type de chauffage difficilement supportable quand on est soumis à ce rayonnement immédiat, laissant les pieds sensibles au froid.

L’aspect esthétique les fait souvent refuser dans les aménagements ; toutefois, à la décharge de ce type de chauffage, il est totalement réversible.

Les œuvres d’art, boiseries soumises à ce rayonnement direct risquent des dommages.

• Lampadaire chauffant par rayonnement :

Ce type de chauffage est d’une esthétique redoutable quand il est accroché au mur, soit en alimentation gaz, soit en alimentation électrique. Quelquefois, des corniches chauffantes par rayonnement électrique peuvent être créées correctement. Des rampes chauffantes installées sur des mats composés avec une enfilade de bancs peuvent éventuellement s’intégrer à la composition de l’édifice. Ce dispositif fige les assemblées dans une seule disposition (c’est parfois préalablement le cas quand on conserve des bancs bergeries par exemple).

Ce mode de chauffage conserve les inconvénients de confort des chauffages par rayonnement sur l’assemblée.

• Banc chauffant :

Un dispositif de menuiserie permet de placer sous les sièges des bancs des résistances des films chauffants électriques placés entre deux panneaux de bois.

Ce dispositif a l’avantage de chauffer en direct les personnes assises sur le banc et d’émettre un léger rayonnement pour celles assises derrière le banc, sans contact avec celui-ci.

• Moquette chauffante :

Des moquettes chauffantes électriques ont été installées sur des panneaux de bois directement posés sur le sol. Ce dispositif réversible n’est pas esthétique alors que l’esthétique des sols compte beaucoup dans une Église, il est parfois dangereux dans les angles, car légèrement saillant. Enfin, ce dispositif ne semble pas avoir reçu d’agrément pour les lieux recevant du public.

Sous réserve de trouver une moquette agréée pour les édifices recevant du public, ce type de chauffage pourrait très facilement s’intégrer sous des bancs clos où le sol est franchement masqué par ce dispositif d’assemblée. Les conséquences de ce type de chauffage sur la climatologie générale de l’Église ne sont en général pas préjudiciables à la conservation des œuvres d’art.


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En conclusion, le mode de chauffage à retenir pour une église est fonction des différentes contraintes d’usage, fréquence d’utilisation, type d’œuvres d’art conservées, nature des sols existants, réversibilité ou non des dispositions d’aménagement, des coûts d’investissement disponibles…

Le confort qu’il est permis d’en espérer dépend de l’ensemble de ces facteurs.


Louis PRIEUR

Architecte du Patrimoine

 
 
 

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